Jean-Louis Chouinard n’est plus directeur général du Musée de la mémoire vivante de Saint-Jean-Port-Joli depuis le 5 octobre dernier. Celui qui assumait cette fonction depuis l’ouverture de l’établissement en 2008 quitte aujourd’hui son poste, mais promet de continuer son implication sur le plan technologique, un domaine qu’il a toujours chéri.
Sandra Zapata et Myriam Gagné sont désormais les deux codirectrices du Musée, un processus qui s’est mis en place il y a déjà plus d’un an de confirmer M. Chouinard. Respectivement muséologue-conservatrice (Sandra Zapata) et historienne (Myriam Gagné), l’institution compte bien s’appuyer sur la complémentarité de ces deux nouvelles codirectrices pour pousser encore plus loin la notoriété du Musée.
« Le travail dans un musée est colossal. Les gens pensent souvent à tort que c’est facile et qu’on a qu’à exposer des objets au mur. Moi-même je pensais ça, avant », de reconnaître Jean-Louis Chouinard.
L’entrepreneur sud-côtois qui était jadis propriétaire de la compagnie Câblodistribution de la Côte-du-Sud, rachetée en 1998 par Vidéotron, semblait destiné à tout sauf peut-être devenir l’un des principaux artisans derrière la création d’un musée nouveau genre à Saint-Jean-Port-Joli. Un traité, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO adopté en 2003 et entré en vigueur en 2006, est ce qui l’a finalement extirpé de sa « retraite ».
« Une étude réalisée par un étudiant de l’Université Laval, François Côté, suggérait l’idée d’un musée où les objets seraient associés à la mémoire collective. C’était en parfaite continuité avec la Convention de l’UNESCO. J’ai trouvé l’idée plutôt intéressante et je l’ai confiée à Gilles Marquis qui était à l’époque sur le conseil d’administration de la Corporation Philippe-Aubert-de-Gaspé. Il m’a demandé de joindre le CA et trois mois plus tard j’étais nommé président », raconte Jean-Louis Chouinard, qui pensait à l’époque s’investir dans cette cause pour environ cinq ans avec sa conjointe Judith Douville — il en a finalement consacré 15.
En fait, cette idée de musée axé sur le patrimoine immatériel ne pouvait pas mieux tomber. À l’époque, la Corporation chérissait l’idée de reconstruire à l’identique ce qui était jadis le manoir de la famille de Philippe Aubert de Gaspé, auteur et dernier seigneur de Saint-Jean-Port-Joli. Depuis la création de la Corporation en 1987, celle-ci était propriétaire des terres sur lesquelles se trouvait cet ancien manoir, ce que des fouilles archéologiques réalisées au début des années 90 ont permis de confirmer.
« Reconstruire un manoir, c’est bien beau, mais on l’occupe comment après ça ? Et comment on assure sa pérennité ? » déclare Jean-Louis Chouinard, rappelant ici quelques-uns des questionnements du conseil d’administration de l’époque.
Débuts mitigés
1,2 M$ plus tard, le manoir Philippe-Aubert-de-Gaspé était reconstruit dans le respect de sa volumétrie de l’époque. La Municipalité de Saint-Jean-Port-Joli et la MRC de L’Islet avaient quant à elles contribué au projet à la hauteur de 250 000 $. Le reste du montage financier a été complété par des dons privés.
En 2008, le Musée de la mémoire vivante ouvrait ses portes en ayant une mission entièrement vouée à la personne, ses témoignages, l’objet devenant ici secondaire, ou du moins, un simple déclencheur de mémoire. « Il faut le dire, au début, personne ne comprenait », avoue sans détour Jean-Louis Chouinard.
Son passé d’entrepreneur dans le domaine de la câblodistribution aidant, il a eu l’idée de mettre la technologie au service du Musée en allant recueillir le témoignage des gens, dont des extraits serviraient ensuite de base aux expositions selon les thèmes abordés. Dès le début, une vingtaine de collaborations ont été établies avec les différentes sociétés d’histoire du Québec afin que le musée soit alimenté de témoignages provenant des quatre coins de la province.
Ainsi s’est constituée la banque du musée, aujourd’hui forte de 2800 témoignages provenant de 2500 personnes différentes. Une mine d’or qui sert même à alimenter les expositions d’autres musées québécois, comme le Musée de la civilisation de Québec ou même le Musée POP sur la culture populaire du Québec à Trois-Rivières.
« On peut dire que le Musée a réussi son pari. Sa notoriété dépasse aujourd’hui largement les frontières régionales. L’angle technologique qu’on a pris dès le début, par l’enregistrement et la diffusion de témoignages, s’inscrivait aussi parfaitement dans la nouvelle mouvance observée dans les musées ces quinze dernières années, une approche peut-être moins élitiste qui est plus axée sur l’interaction et le commentaire que sur la contemplation », indique Jean-Louis Chouinard.
Pérennité
À peine entré dans son adolescence, le Musée de la mémoire vivante semble aujourd’hui promis à un brillant avenir, ce que conforme son directeur sortant. Chaque année, l’achalandage augmente et cette année seulement, malgré la pandémie, le Musée a accueilli un nombre record de 4000 visiteurs.
La pérennité de l’institution muséale et du manoir est également plus stable que jamais. Agréé depuis 2018, le Musée de la mémoire vivante a maintenant droit à une subvention récurrente du ministère de la Culture et des Communications.
Jean-Louis Chouinard souligne néanmoins que cette somme ne suffit pas à assurer le fonctionnement du Musée, ce pour quoi la Corporation continue de tenir une campagne de financement annuel dont les revenus sont versés dans un fonds perpétuel qui doit assurer la poursuite des activités.
« Amasser des sous pour construire des bâtiments, c’est toujours plus facile que pour financer le fonctionnement. Le travail qu’on a réalisé ces dernières années demeure quand même colossal. Mon seul souhait, c’est que ça perdure. Je crois quand même que nous sommes sur la bonne voie », conclut-il.